Un propriétaire d’immeuble qui exploite un Airbnb ou donne lieu de croire qu’il exploite un Airbnb dans un immeuble lui appartenant, à Montréal ou ailleurs dans la province de Québec, sans qu’une attestation de classification n’ait été délivrée pour cet immeuble, contrevient aux articles 6 et 37(8) de la Loi sur les établissements d’hébergement touristique et sera considéré comme coupable d’avoir commis une infraction pénale et une amande lui sera imposée par l’Agence du revenu du Québec. La possibilité qui reste alors au propriétaire contrevenant qui conteste l’infraction devant le tribunal est de soulever une défense de diligence raisonnable et de prouver qu’il a pris toutes les précautions nécessaires pour éviter l’infraction.
Dans sa décision Agence du revenu du Québec c. Merouani, la Cour du Québec a résumé les principes qui s’appliquent :
[13] Pour cette infraction, la poursuite a le fardeau de prouver trois éléments essentiels :
i) Que les défendeurs ont laissé croire qu’ils offraient leur appartement en location à des touristes;
ii) Qu’ils sont propriétaires de cet appartement;
iii) Qu’ils ne détenaient pas l’attestation de classification exigée par la loi;
[14] D’entrée de jeu, le tribunal est convaincu hors de tout doute raisonnable que les défendeurs ont effectivement laissé croire qu’ils exploitaient un établissement d’hébergement touristique, et ce, dès le moment où une annonce a été placée sur le site Airbnb, et voici pourquoi :
[15] D’abord, l’offre de location est offerte sur le site internet Airbnb qui est un site de location touristique public, une tarification à la nuitée est affichée et il est possible de réserver pour un minimum de 7 nuits. Toute personne qui consulte l’annonce peut raisonnable conclure à l’exploitation d’un établissement d’hébergement touristique.
[16] L’offre de location concerne un appartement dont les propriétaires sont les défendeurs, et la simulation de réservation faite par l’inspecteur convainc le tribunal.
[17] Le tribunal abonde dans le même sens que ses collègues, les juges Marie- France Beaulieu2 :
… il n’est pas nécessaire de requérir de la poursuite une quelconque preuve du caractère effectif d’une location.
Il n’existerait donc aucune obligation de faire la preuve que la propriété a été effectivement louée, mais bien qu’elle est affichée sur le site de réservation pour laisser lieu de croire à cette opportunité.
[18] et Johanne White3:
[39] « Donner lieu de croire » ne signifie pas nécessairement exploiter activement, mais plutôt agir ou laisser croire qu’on exploite un établissement.
d’hébergement touristique en l’offrant à la location, sans nécessairement effectivement le louer.
[40] Exiger que le poursuivant fasse la preuve qu’une personne a effectivement loué l’établissement, vouerait à l’échec, à titre d’exemple, toute poursuite contre une publicité qui « donnerait lieu de croire », mais « sans client identifié ». (référence omise)
[41] Le simple fait d’offrir son appartement en location, sur Airbnb, avec un tarif par nuitée ou par semaine (voir P-1), comme dans le présent cas, peut constituer une infraction à l’article 38 de la loi.
[19] La défenderesse, en laissant son annonce sur le site Airbnb, donne lieu de croire que le logement est à louer, et ce, même si elle répond à toutes les demandes par la négative.
[20] Choisir de ne pas louer son logement est une chose, mais continuer d’en faire la publicité en est une autre et donne lieu de croire qu’ils exploitent un établissement d’hébergement touristique sans attestation de classification.
[22] Le témoignage de la défenderesse ne démontre aucunement une ou des actions ouvrant la porte à une défense de diligence raisonnable.
[23] Son excuse voulant qu’elle laisse son annonce en place pour ne pas perdre son compte afin de faire ses propres réservations n’est pas une explication qui lui permet de soulever un doute. Au contraire, il aurait été très facile de fermer son compte et d’en ouvrir un nouveau pour éviter toute ambiguïté.
[24] La défenderesse prétend avoir bloqué les dates de disponibilité. Pourtant, les documents qu’elle dépose accentuent la preuve qu’elle laisse croire que l’appartement est à louer pendant toute la période couverte par ces dates, car elle doit répondre à chaque demande et préciser que le logement n’est pas disponible. Selon le tribunal, ces courriels sont admissibles en preuve pour démontrer que la défenderesse les a reçus ou transmis. Ce qui ne lui vient pas en aide dans sa défense.
[25] Son intention de ne pas louer l’appartement est insuffisante pour démontrer une preuve de diligence raisonnable à l’infraction qui lui est reprochée, puisqu’elle a tout le moins laissé croire qu’elle exploitait un établissement touristique.
[26] Concernant le défendeur, sa défense est qu’il n’a rien à voir avec la location, qu’il n’est pas l’auteur de l’annonce, qu’il ne gère rien et ne reçoit rien en retour.
[27] Sa seule implication est de savoir que la défenderesse offre la location de leur appartement sur la plateforme Airbnb et qu’il accepte que des touristes habitent dans son appartement lorsque la famille est en voyage.
[28] Est-ce que la passivité peut être considérée comme étant une défense de diligence raisonnable? Le tribunal doit répondre par la négative à cette question pour deux raisons :
- [29] L’article 41 de la Loi prévoit : Quiconque aide, par un acte ou une omission, ou, par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, amène une personne à commettre une infraction à la présente loi ou à ses règlements commet une infraction et est passible de la même peine que celle prévue pour l’infraction qu’il a aidé ou amené à commettre.
[30] Il y a donc une présomption de la commission de l’infraction lorsqu’une personne
en aide un autre à la commettre, et ce, par un acte ou une omission.
[31] Le défendeur en ne s’opposant pas à la location aide la défenderesse à commettre l’infraction, et ce, même s’il est passif dans son implication.
[32] De plus, la jurisprudence a reconnu depuis plusieurs années que la passivité n’est pas une défense pour une infraction de responsabilité stricte, cette défense a initialement été exclue dans le jugement : Lévis (Ville) c. Tétreault; Lévis (Ville) c. 2629- 4470 Québec inc.4 qui stipule : « L’ignorance passive ne constitue pas un moyen de défense valable en droit pénal. »
[33] Partant du principe que l’attitude passive ne constitue pas une défense, le défendeur savait que la défenderesse offrait en location leur appartement, il n’est pas intervenu et ne peut pas maintenant se contenter de dire qu’il n’y participait pas pour se disculper.
[34] Le défendeur soumet un jugement de la Cour du Québec5 et demande au tribunal d’appliquer le même raisonnement qui se trouve dans la phrase suivante : « Ce n’est pas la propriété qui détermine l’exploitation, mais la preuve dans son ensemble. »
[35] La preuve démontre que le défendeur est copropriétaire de l’immeuble et qu’il sait que son logement est offert en location, il doit donc s’assurer que le tout est fait en conformité avec la loi.
[36] De plus, le tribunal tient à souligner l’article 41.1 de la Loi qui prévoit :
41.1 Dans toute poursuite pénale relative à une infraction à la présente loi ou à ses règlements, la preuve qu’elle a été commise dans un immeuble appartenant au défendeur suffit à établir qu’elle a été commise par ce dernier, à moins que celui-ci n’établisse qu’il a fait preuve de diligence raisonnable en prenant toutes les précautions nécessaires pour en prévenir la perpétration.
[37] Le défendeur n’a pas pris toutes les précautions nécessaires pour éviter l’infraction et n’a donc pas soulevé une défense de diligence raisonnable.