Dans cette décision récente, la Cour Supérieure du Québec énonce les conditions que doit prouver un acheteur d’une automobile usagée qui a droit à la garantie de qualité pour bénéficier de la présomption de responsabilité contre le vendeur professionnel à l’égard des vices cachés.

Extraits de la décision :  Zahab c. Automobile en direct.com inc. 2020 QCCQ908

[52] (…) le consommateur ayant acquis un véhicule d’occasion bénéficie de la garantie de qualité légale prévue par le droit commun, de même que les garanties propres au droit de la consommation, tel que le prévoit l’article 270 L.p.c. Ainsi, le C.c.Q et la L.p.c. ont été conçus de manière complémentaire et le consommateur peut opter pour le régime prévu au C.c.Q. si, dans une situation donnée, ce dernier y trouve son avantage.

[53] Par le biais des articles 1726 et 1729 C.c.Q., le droit commun prévoit une garantie générale de qualité. La L.p.c. prévoit quant à elle une double garantie : la première en est une d’usage et la seconde en est une de durabilité.

[54] Concernant la preuve devant être faite par l’acheteur pour l’application des articles 1726 et 1729 C.c.Q. ainsi que celle faite par le vendeur pour le renversement de la présomption, la Cour d’appel, dans l’arrêt Demilec inc. c. 2539-2903 Québec inc. indique :

[44] Dans la mesure où l’acheteur établit que: (1) il a acquis le bien d’une personne tenue à la garantie du vendeur professionnel; et (2) le bien s’est détérioré prématurément par rapport à un bien identique ou de même espèce, cette disposition établit une présomption de responsabilité contre le fabricant à l’égard des vices cachés.

[45] Plus précisément, il s’agit d’une triple présomption réfragable en faveur de l’acheteur de : (1) l’existence d’un vice; (2) l’antériorité du vice par rapport au contrat de vente; et (3) du lien de causalité unissant le vice à la détérioration ou au mauvais fonctionnement du bien.

[46] Le vendeur professionnel ne peut s’exonérer que s’il démontre que le mauvais fonctionnement ou la détérioration prématurée du bien résulte d’une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur, de la faute d’un tiers ou encore de la force majeure.

[47] Pour renverser la présomption de responsabilité du vendeur professionnel, la simple preuve d’une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur ne suffit pas; cette mauvaise utilisation doit, selon la balance des probabilités, être la cause du mauvais fonctionnement ou de la détérioration prématurée.

[55] Concernant la L.p.c., certaines présomptions ont été édictées par le législateur afin d’alléger le fardeau de preuve reposant sur les épaules du consommateur. Tel que le mentionne la doctrine, les articles 37 et 38 L.p.c. doivent être lus en conjonction avec l’article 53 L.p.c. comme un tout cohérent.

[56] En effet, les articles 37 et 38 L.p.c. constituent des applications particulières de la garantie contre les vices cachés du C.c.Q. Quant à l’article 53 L.p.c. il élimine l’exigence de l’expertise en toutes circonstances dans le domaine du droit de la consommation. En pareil cas, seul un examen ordinaire est requis et celui-ci consiste en l’examen fait par une personne de diligence moyenne compte tenu des circonstances.

[57] Cette interprétation a récemment été confirmée par la Cour d’appel dans Fortin c. Mazda Canada inc. :

[57] Ce pourvoi porte principalement sur la garantie légale de qualité (notamment celle de l’usage du bien) consacrée par les articles 37, 38 et 53 de la L.p.c. Le défaut de respecter les garanties d’usage et de durabilité mentionnées à ces dispositions donne ouverture au recours fondé sur le défaut caché du bien, objet d’un contrat de consommation. Comme le fait remarquer l’auteur Jeffrey Edwards, l’article 53 L.p.c. incorpore par référence la notion de vice caché à laquelle renvoie le C.c.Q.

[58] Même si on peut valablement soutenir que la L.p.c. apporte une distinction entre la notion de déficit d’usage et celle de vice caché, notre Cour s’est résolument rangée derrière la thèse doctrinale voulant que les garanties consacrées aux articles 37 et 38 de cette loi ne sont qu’une application particulière de la notion de vice caché, elle-même d’origine législative.

[60] Je crois ne pas trahir la jurisprudence en concluant qu’un défaut caché selon la L.p.c., lorsqu’il prend l’aspect d’un déficit d’usage, exige, à l’instar du C.c.Q., de satisfaire aux critères suivants : 1) avoir une cause occulte, 2) être suffisamment grave, 3) être inconnu de l’acheteur et finalement 4) être antérieur à la vente.

[61] S’il est maintenant généralement accepté que les différentes garanties de qualité en droit de la consommation relèvent d’une source commune, il faut cependant noter que le régime de preuve qui leur est applicable se distingue souvent de celui du droit commun, notamment en raison des présomptions contenues aux articles 37, 38 et 53 de la L.p.c.

[58] Afin d’avoir droit à la garantie de qualité prévue à l’article 1726 C.c.Q., l’acheteur d’un véhicule d’occasion qui allègue que le bien acheté est entaché d’un vice caché doit démontrer les points suivants :
Le vice est grave;
Le vice est présent lors de l’achat;
Le vice lui est inconnu;
Le vice doit être caché;
il a dénoncé le vice par écrit au vendeur.

[59] Tel que mentionné précédemment, lors d’une vente faite par un vendeur professionnel comme c’est le cas en l’espèce, l’article 1729 C.c.Q. établit une présomption d’existence du vice et d’antériorité de celui-ci. Afin de bénéficier de cette présomption, l’acheteur du véhicule vendu par un vendeur professionnel doit tout de même faire la démonstration que le mauvais fonctionnement ou la détérioration de l’automobile est survenu prématurément par rapport à des biens identiques ou comparables.

[60] Le consommateur qui invoque l’article 53 L.p.c. doit, à l’instar des règles prévues par le C.c.Q., faire la preuve que le vice est grave, qu’il est non apparent, qu’il lui est inconnu et qu’il existait avant la vente30. Toutefois, tel que le précise l’auteur Pierre-Claude Lafond, il existe un moyen pour simplifier la preuve du consommateur : « par le jeu combiné des articles 37, 38 et 53 L.p.c., dès qu’un défaut diminue prématurément la longévité d’un produit, il y aurait une présomption qu’un vice caché existait lors de la vente. ».

[61] Dans un tel cas, la preuve du consommateur est donc allégée et ce dernier doit uniquement démontrer que le bien acheté n’a pas servi pendant une durée raisonnable eu égard à son prix, aux dispositions applicables du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[62] Tel que le mentionne l’auteur Luc Thibaudeau, une fois cette démonstration satisfaite, le consommateur bénéficiera d’une présomption d’existence du vice. L’auteur émet toutefois la réserve suivante :
[…] Les droits du consommateur ne sont cependant pas absolus. Il ne peut pas procéder par preuve indirecte et demander au tribunal de conclure en un manquement à la garantie légale si aucune preuve directe ne le démontre. Des factures faisant état de réparations effectuées à un véhicule ne démontrent pas en soi que le véhicule était affecté d’un vice de quelque nature que ce soit.

[63] Ainsi, tel que le mentionne la Cour d’appel dans Fortin c. Mazda Canada inc. précité, le régime de preuve applicable aux garanties de qualité en droit de la consommation se distingue de celui du droit commun en raison, notamment, des présomptions contenues aux articles 37, 38 et 53 L.p.c.

[64] Conséquemment, le consommateur demeure favorisé par l’existence de certaines présomptions, mais il doit tout de même prouver les faits qui sont à la base de ces présomptions. Ainsi, la démonstration doit être faite à l’effet que le bien acheté n’a pas servi pendant une durée raisonnable eu égard à son prix, aux dispositions applicables du contrat et aux conditions d’utilisation du bien36.