Responsabilité fiscale de l’administrateur d’une société : cotisation personnelle d’un administrateur par revenu Québec.

Le Tribunal devait déterminer dans cette décision, si Revenu Québec était en droit de cotiser personnellement l’administrateur d’une société, en vertu de l’article 24.0.1 de la LAF à cause de la dette fiscale de la société suite à la cessation de ses activités commerciales et de l’omission de cette dernière de faire remise de la TVQ à Revenu Québec.

Extraits de la décision :

[57]        L’Avis de cotisation[ émis par Revenu Québec et remis en cause, dans le cadre du présent appel, bénéficie de la présomption de validité prévue à l’article 1014 de la Loi sur les impôts.

[58]        La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Hickman Motors Limited c. Canada[précise la nature du fardeau de la preuve imposée sur les épaules de Bates en matière fiscale lorsque celui-ci désire contester un avis de cotisation bénéficiant de la présomption de validité.

[59]        Ainsi, il appartient à Bates de faire la preuve prima facie de l’inexactitude de l’avis de cotisation en cause. 

[60]        Bates doit « démolir » l’exactitude des présomptions qui soutiennent l’avis de cotisation. 

[61]        Si Bates réussit à faire cette preuve, il y a un renversement du fardeau de la preuve à l’égard de Revenu Québec qui devra réfuter la preuve de Bates et prouver la cotisation établie par présomption.

[62]        La Cour d’appel du Québec réitère ces principes dans l’arrêt Bermex Internationale inc. c. l’Agence du Revenu du Québec[ en ces termes  :«

[23]      Il ne fait pas de doute que les cotisations imposées par l’Agence jouissent d’une présomption de validité.  Notre Cour le rappelait en ces termes dans une affaire Durand :

[17]         Avant de procéder à l’analyse des moyens de l’appelant, il me paraît important de clarifier la question de la charge de la preuve applicable en matière fiscale.  Dans l’affaire Hickman précitée, le juge l’Heureux-Dubé a fait le point et rappelé certains principes que je reformule comme suit :

–  La cotisation fiscale jouit d’une présomption de validité (art. 1014 Loi sur les impôts), qui peut être repoussée par le contribuable.

–  Le fardeau initial du contribuable consiste à «démolir» l’exactitude de la présomption en présentant une preuve prima facie.

–  Lorsque le contribuable présente une telle preuve, il y a renversement du fardeau de la preuve.

[25]      En l’espèce, le juge a appliqué le bon test en énonçant que les « requérantes doivent démolir cette présomption par une preuve prima facie » et que, si « elles réussissent, c’est l’intimée qui a le fardeau d’établir la validité des cotisations par une preuve prépondérante » [16].

[63]          Dans ce contexte, la preuve de Bates doit comporter un certain degré de précision et de probabilité en faveur de ce dernier par opposition à des allégations vagues et ambiguës.

–  Le fisc doit alors réfuter la preuve prima facie et prouver la cotisation établie par présomption. [24]      Démolir la présomption requiert de démontrer, par une preuve prima facie, en quoi les faits sur lesquels s’appuie la cotisation sont incorrects[14].  Cette preuve doit être suffisante pour convaincre le tribunal, à première vue.  En revanche, de façon générale, « la simple affirmation du contribuable ne suffit pas; elle aura avantage à être soutenue par une preuve documentaire ou circonstancielle ». 

[64]        Cela étant, pour déterminer si le fardeau de preuve est rencontré de la part de Bates, il y a lieu pour le Tribunal d’examiner l’ensemble de la preuve offerte, c’est-à-dire tant la preuve documentaire que la preuve testimoniale, eu égard à l’Avis de cotisation[ émis.

[65]        Dans ces circonstances, il y a également lieu pour le Tribunal d’examiner les conditions d’application des articles 24.0.1 et l’article 24.0.2 de la LAF.

2.         Disposition législatives permanentes  :

[66]        Revenu Québec justifie sa cotisation en invoquant, entre autres, les articles 24 et 24.0.1 de la LAF, lesquels se libellent comme suit :

24. Toute personne qui déduit, retient ou perçoit un montant en vertu d’une loi fiscale est tenue de payer au ministre, à la date fixée par cette loi ou conformément à la disposition prévue pour un tel paiement, un montant égal à celui qu’elle est tenue de remettre en vertu de cette loi.

La même obligation existe à l’égard de tout montant qu’une personne, qu’elle soit de bonne ou de mauvaise foi, déduit, retient ou perçoit en croyant ou en prétendant agir en vertu d’une loi fiscale.

24.0.1. Lorsqu’une société a omis de remettre au ministre un montant prévu à l’article 24 ou de déduire, retenir ou percevoir un montant qu’elle devait déduire, retenir ou percevoir en vertu d’une loi fiscale ou de payer un montant qu’elle devait payer à titre d’employeur en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R-9), de la Loi sur l’assurance parentale (chapitre A-29.011), de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1), de la Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre (chapitre D-8.3) ou de la Loi sur la Régie de l’assurance maladie du Québec (chapitre R-5), ses administrateurs en fonction à la date de l’omission deviennent solidairement débiteurs avec celle-ci de ce montant ainsi que des intérêts et pénalités s’y rapportant dans les cas suivants:

a)  lorsqu’un avis d’exécution d’une saisie mobilière à l’égard de la société est rapporté insatisfait en totalité ou en partie à la suite d’un jugement rendu en vertu de l’article 13;

b)  lorsque la société fait l’objet d’une ordonnance de mise en liquidation ou devient faillie au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.R.C. 1985, c. B-3) et qu’une réclamation est produite;

c)  lorsque la société a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou qu’elle a fait l’objet d’une dissolution.

De plus, lorsqu’une société a obtenu sans y avoir droit un montant à titre de remboursement de la taxe nette au sens de la Loi sur la taxe de vente du Québec (chapitre T-0.1) et qu’elle a omis de le rembourser au ministre, ses administrateurs en fonction à la date à laquelle elle a obtenu ce remboursement deviennent solidairement débiteurs avec celle-ci de ce montant ainsi que des intérêts et pénalités s’y rapportant dans les cas prévus au premier alinéa.

Les articles 1005 à 1014, 1051 et 1052 de la Loi sur les impôts (chapitre I-3) s’appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires.

[67]        Par ailleurs, Bates invoque l’exception prévue à l’article 24.0.2 de la LAF :«

24.0.2. L’article 24.0.1 ne s’applique pas à un administrateur qui a agi avec un degré de soin, de diligence et d’habileté raisonnable dans les circonstances ou qui, dans ces mêmes circonstances, n’a pu avoir connaissance de l’omission visée par cet article.

De plus, le ministre ne peut cotiser un administrateur à l’égard d’un montant visé à l’article 24.0.1 après l’expiration des deux ans qui suivent la date à laquelle celui-ci cesse pour la dernière fois d’être un administrateur de la société.

142. Le mandat d’un administrateur prend fin par son inhabilité à exercer son mandat, par sa démission ou par sa révocation.

La démission de l’administrateur prend effet à la date de la réception par la société de l’avis écrit qu’il en donne ou à la date postérieure qui y est indiquée.

143. Malgré l’arrivée du terme de son mandat et à moins qu’il ne démissionne, l’administrateur demeure en fonction jusqu’à ce qu’il soit réélu ou remplacé.

[69]        En l’instance, le litige porte essentiellement sur la qualité de la preuve offerte par Bates pour repousser la présomption de validité de l’Avis de cotisation[57] et conséquemment, de déterminer si Bates « a agi avec un degré de soin, de diligence et d’habileté raisonnables dans les circonstances » pour s’assurer que la TVQ soit remise au Ministre par Q.I., tel que le prévoit l’exception prévue à l’article 24.0.2 de la LAF.

Bates c. Agence du revenu du Québec, 2018 QCCQ 3679