R. c. Y.Z., 2019 QCCQ 332

Dans cette décision, le tribunal a rappelé plusieurs aspects très importants en droit criminel : la procédure suivie par le juge lorsqu’il fait face a deux versions contradictoires des événements, les éléments essentiels de l’infraction d’omission de se conformer aux conditions d’une promesse et les éléments essentiels de l’accusation d’harcèlement criminel.

Extraits de la décision :

[111]     Dans un procès criminel, l’État assume en tout temps le fardeau de prouver la culpabilité de l’accusé en faisant la preuve hors de tout doute raisonnable de tous les éléments essentiels de l’infraction. L’accusé n’a rien à prouver.

[112]     La crédibilité est au cœur de la présente affaire parce l’accusé et les plaignants présentent des versions contradictoires des événements sur des sujets au cœur du présent litige. Le Tribunal doit donc suivre les enseignements de la Cour suprême du Canada en matière de versions contradictoires dans la décision R. c. W.(D.)[19].

[113]     Si le Tribunal croit le témoignage de l’accusé, il doit être acquitté. Si le Tribunal ne croit pas la preuve de l’accusé, mais que ladite preuve soulève un doute raisonnable, il doit être acquitté. Même si la preuve de l’accusé ne soulève aucun doute raisonnable, le Tribunal doit évaluer si, après avoir évalué toute la preuve au dossier, il est satisfait que la poursuite ait prouvé la culpabilité de l’accusé, et ce, hors de tout doute raisonnable. Il ne s’agit pas de choisir entre les versions, mais plutôt de déterminer si globalement, la poursuivante a présenté une preuve hors de tout doute raisonnable de la culpabilité.

[114]     L’évaluation de la crédibilité d’un témoin ne s’effectue pas de manière isolée du reste de la preuve, mais bien en considérant la preuve dans son ensemble. La norme de preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique pas aux éléments de preuve pris isolément[20].

[115]     La norme de preuve hors de tout doute raisonnable se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités. La poursuite n’est cependant pas tenue à un standard de certitude absolue, ce qu’il lui serait impossible d’atteindre[21].

[116]     La culpabilité probable de l’accusé n’est pas suffisante pour le déclarer coupable. Dans toute cause criminelle, la question fondamentale est de déterminer si le Tribunal a un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé. Si le Tribunal n’est pas certain que l’accusé a commis les infractions, il n’a d’autre choix que de l’acquitter.

Omission de se conformer à une condition de la promesse – éléments essentiels de l’infraction

[138]     Les éléments essentiels de l’infraction prévue à l’article 145(3) du Code criminel, sont énoncés dans la décision R. v. Custance[23]:

1.   L’accusé devait se conformer aux conditions d’une promesse;

2.   L’accusé a fait un geste interdit par la promesse;

3.   L’accusé a consciemment et volontairement fait les actes qui constituent l’élément matériel de l’infraction. L’insouciance est une mens rea suffisante pour justifier une condamnation.

[139]     De plus, selon l’arrêt R. v. Legere[24], cette infraction est une véritable infraction criminelle qui requiert la preuve d’une intention.

[140]     Bien que non crédible et non fiable sur plusieurs aspects importants de la présente cause, le témoignage de l’accusé soulève néanmoins un doute raisonnable sur sa connaissance des conditions de remise en liberté de la promesse qu’il a signée le 30 mai 2016.

[141]     Le Tribunal considère que le témoignage de l’accusé sur les circonstances de la signature de la promesse soulève un doute raisonnable sur le fait qu’une copie des conditions de sa remise en liberté lui aurait été remise le 30 mai 2016.

[142]     Bien que sa version, à l’effet qu’il appose ses initiales YZ sans comprendre les conditions de remise en liberté, et qu’il est libéré du centre opérationnel sans copie des conditions, soit peu plausible et contraire au témoignage de l’enquêteur Sarrette, elle soulève néanmoins un doute raisonnable, lors de l’analyse avec l’ensemble de la preuve. En effet, l’enquêteur Sarrette ne se souvient plus si une copie des conditions est donnée à M. Z…. Enfin, le policier Martin a témoigné que l’accusé, lors de son arrestation le 30 mai 2016, avait de la difficulté à comprendre l’anglais si bien qu’un interprète fut contacté. Il n’y avait pas d’interprète lors de la signature de la promesse au centre opérationnel.

[143]     Par conséquent, la poursuite n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable que l’accusé avait la connaissance des conditions de remise en liberté lorsqu’il envoie des courriels à la plaignante après le 30 mai 2016 et lorsqu’il lui parle à la Chambre de la jeunesse.

Harcèlement criminel – éléments essentiels

[144]     Dans l’arrêt R. c. Lamontagne[25], la Cour d’appel du Québec reprend l’énoncé retenu par la Cour d’appel de l’Alberta dans l’affaire R. v. Sillipp[26]. La poursuite doit démontrer hors de tout doute raisonnable chacun des cinq éléments de l’infraction[27] :

1.   L’accusé a commis un acte décrit au paragraphe 264(2)a), b), c) ou d) du Code criminel;

2.   La victime a été harcelée;

3.   L’accusé sait que la victime se sent harcelée ou ne se soucie pas que la victime se sente harcelée;

4.   Sa conduite a eu pour effet de faire craindre la victime pour sa sécurité ou celle d’une de ses connaissances, compte tenu du contexte;

5.   La crainte de la victime était raisonnable dans les circonstances.

[145]     L’objet de la disposition est d’assurer la sécurité des personnes, une tranquillité d’esprit et, surtout, de prévenir ou tenter de prévenir les crimes les plus graves qui sont commis lorsque les comportements harcelants dégénèrent[28].

[146]     La disposition peut aussi être utilisée pour contrer le harcèlement fait par des personnes démontrant des traits de quérulence. Dans l’arrêt Côté c. R., la Cour d’appel du Québec mentionne[29] :

Ce type de comportement, souvent hostile et revendicateur, peut, à mon avis, faire l’objet d’accusation en vertu de l’article 264(2)b) du Code criminel, en autant que tous les éléments de l’infraction soient présents.

[147]     L’article 264(1) du Code criminel interdit le harcèlement criminel sauf autorisation légitime. Dans le contexte de l’article 264(2) du Code criminel, il appert que l’effet de l’autorisation légitime est de rendre légal un geste qui ne le serait pas autrement[30]. Il ne s’agit pas de vérifier si la communication est permise, mais si les gestes, autrement illégaux, peuvent être exécutés parce que permis par un texte de loi ou par la common law[31]. La légitimité de la communication ou des motifs à son soutien n’est pas pertinente non plus à l’analyse de l’autorisation légitime[32].