La Cour supérieure a décidé dans ce jugement que le vendeur est responsable envers l’acheteur à la fois sur la base de la garantie de qualité pour les vices cachés et aussi pour dol vu qu’il a camouflé les vices et omis d’informer l’acheteur des informations pertinentes à sa connaissance concernant l’état de l’immeuble et l’a induit en erreur. L’acheteur réclame une réduction de prix équivalent aux coûts de tous les travaux exécutés pour réparer les vices mais le tribunal a jugé qu’il faut tenir compte de la dépréciation de l’immeuble qui doit être imputée à l’ensemble des travaux pour déterminer les dommages-intérêts auxquels a droit l’acheteur.
Extraits de la décision :
[62] La garantie de qualité prévue au Code civil du Québec s’applique également lors de la vente d’un bien usagé. Toutefois, dans ce cas, les attentes de l’acheteur ne sauraient être les mêmes. En effet, il doit considérer que les composantes du bien seront naturellement dans un état de détérioration conséquent, alors que l’usure normale ne constitue pas un vice caché[35]. Dans l’arrêt Rivard c. Asselin, la Cour d’appel mentionne :
[8] L’âge du bien doit être tenu en compte. Plus le bien est âgé, plus s’intensifie l’obligation d’effectuer un examen approfondi. Ainsi, plus un vice se manifeste par des signes précurseurs, plus il doit être qualifié d’apparent. Si son existence n’est révélée que par des travaux exceptionnels, par exemple d’excavation ou de démolition, il s’agit d’un vice caché[36].
(…)
[157] Ainsi, les deux notions peuvent se recouper. Dans la mesure où le vendeur rend les vices cachés par ses représentations mensongères, il vicie par le fait même le consentement. Le Tribunal reprend par analogie les enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt ABB inc. c. Domtar inc.[92] :
[…] Dans la mesure où une partie invoque la garantie du vendeur contre les vices cachés, l’obligation de renseignement [ou le vice de consentement] se trouve en quelque sorte subsumée dans la grille d’analyse de la responsabilité du vendeur pour vices cachés et le tribunal n’a pas à procéder à une analyse distincte de l’obligation de renseignement du vendeur [ou du vice de consentement].
***
[158] Le vendeur ne reconnaît pas avoir commis un dol lors de la vente de la maison. Cependant, la preuve de faits graves, précis et concordants permet de présumer que le vendeur a vicié le consentement de l’acheteur par ses représentations et ses silences contraires à son obligation de renseignement de bonne foi[93]. En effet, le vendeur camoufle les vices affectant les murs extérieurs, l’électricité, la charpente en bois et les fondations, y compris la fenêtre du sous-sol sous l’ancien solarium. En outre, il omet d’informer l’acheteur des informations pertinentes à sa connaissance concernant l’état de ses composantes et l’induit en erreur sur l’état de l’immeuble. Si l’acheteur avait connu l’état réel de la maison, il n’aurait pas acheté ou aurait certainement négocié une réduction du prix.
(…)
[165] Ainsi, même si le dol se distingue de la garantie de qualité, ces notions se recoupent et entraînent une indemnisation de même nature, soit une réduction de l’obligation équivalente. Cette réduction s’évalue selon les mêmes principes en cas de dol qu’en cas de garantie de qualité, soit en vertu des principes généraux applicables en matière d’indemnisation[96].
(…)
[176] Le Dictionnaire de droit québécois et canadien définit la dépréciation comme étant une «[p]erte de valeur d’un bien en raison de divers facteurs, notamment son utilisation ou son âge ou, encore, le contexte économique »[104].
[177] En raison de son âge, la maison subit les outrages du temps. L’acheteur sait qu’il n’achète pas un immeuble neuf. Certaines composantes allaient devoir être changées au fil du temps en raison de la fin de leur vie utile. Lors de ces travaux, qui n’auraient pas été considérés comme découlant d’un vice ou causés par un dol, tous les frais afférents à ceux-ci auraient été entièrement à la charge de l’acheteur[105].
[178] Dans le cas présent, le vice et le dol entraînent des travaux avant la fin de la vie utile des composantes en cause, ce qui cause un dommage à l’acheteur représentant la perte d’usage. La réparation inéluctable de ces composantes, qui ont un certain âge, arrive seulement plus rapidement que prévu. La dépréciation permet de prendre en compte ce vieillissement afin d’éviter que l’acheteur ne s’enrichisse aux dépens du vendeur en lui faisant payer la totalité des travaux qui remplace de vieilles composantes, qui auraient dû être éventuellement réparées. Ainsi, la totalité des coûts des travaux doit être visée par la dépréciation, pas seulement les composantes arrivées en fin de vie. En effet, ce sont tous ces travaux qui auraient été effectués à un certain point dans le temps par l’acheteur avec le passage du temps. Celui-ci n’aurait pas seulement payé pour la composante au moment de son remplacement.
[179] Comme le souligne l’auteur Edwards dans son ouvrage La garantie de qualité du vendeur en droit québécois :
L’usage assuré par la garantie est délimité par les attentes de l’acheteur raisonnable. […] Les détériorations dues à l’usure, au vieillissement ou à la vétusté ne constituent donc pas de vices, car, en raison de la révision à la baisse de l’usage attendu, elles n’occasionnent aucun déficit d’usage au sens de la garantie: l’usage protégé varie selon l’état de l’usure, du vieillissement et de la vétusté du bien au moment de la vente[106].
2023 QCCS 4430 (CanLII)