Dans le cadre de cette décision rendue en matière d’assurance, la Cour supérieure a résumé les principes qui doivent être appliqués suite au refus de l’assureur d’indemniser l’assuré qui a subit un sinistre couvert par sa police d’assurance. La Cour a aussi rappelé à la fin de son jugement que l’objet du contrat d’assurance est la tranquillité d’esprit de l’assuré.
Extraits de la décision de la Cour supérieure :
[137] La principale obligation de l’assureur est de payer les indemnités convenues, dans les soixante jours[32].
[138] Tout au long du processus, tant l’assureur que l’assuré doivent agir avec bonne foi. La Cour d’appel dans Barrette c. Union Canadien écrit que les parties doivent agir avec la plus haute bonne foi[33] :
[69] Le contrat d’assurance en est un qui oblige les parties à agir avec la plus haute bonne foi, un standard encore plus élevé que celui bien connu de la bonne foi qui est codifié aux articles 6, 7 et 1375 C.c.Q. Cette obligation s’applique autant à l’assureur qu’à l’assuré, de la souscription du contrat d’assurance jusqu’au traitement des réclamations.
[139] Cette plus haute bonne foi doit exister tout au long du processus d’enquête et décisionnel, selon la Cour suprême, tel que rappelé dans ce jugement de notre Cour[34] :
[159] Dans Whiten c. Pilot Insurance Co. et dans Fidler c. Sun Life du Canada, la Cour suprême rappelle qu’un contrat d’assurance a pour finalité la tranquillité d’esprit pour l’assuré et exige la plus haute bonne foi non seulement de l’assuré, mais de l’assureur aussi puisque dans le cas d’un sinistre, l’assuré est à la merci de l’assureur. Il est dans une position de très grande vulnérabilité. Cette plus haute bonne foi doit exister tout au long du processus d’enquête et décisionnel.
[140] L’auteur Brien explique ainsi le fardeau de preuve lorsque l’assureur prétend que le sinistre est la conséquence d’un acte délibéré de l’assuré[35] :
L’assureur qui prétend que le sinistre est la conséquence d’un acte délibéré de l’assuré pourra refuser de l’indemniser. L’assuré qui intente des procédures judiciaires à l’encontre de son assureur devra renverser son fardeau de preuve initial, soit que le contrat d’assurance était en vigueur, qu’il y a une garantie d’assurance applicable pour les biens endommagés et qu’il y a eu un sinistre.
[…]
Une fois cette étape remplie avec succès par l’assuré, c’est à l’assureur qu’incombera le fardeau de prouver sa prétention que l’assuré a causé directement ou indirectement l’incendie criminel ou la perte du bien. Il devra présenter des éléments de preuve qui mènent à croire de façon prépondérante à la participation de l’assuré à la destruction du bien. En effet, comme l’explique la Cour d’appel dans Crispino c. General Accident Insurance Company, le fardeau de preuve demeure la prépondérance des probabilités même si l’acte reproché constitue, ou peut constituer, un acte criminel (…).
[141] La Cour suprême exprime ainsi dans Fidler c. Sun Life du Canada compagnie d’assurance vie, les paramètres d’un comportement de bonne foi de l’assureur[36] :
L’obligation d’agir de bonne foi oblige aussi l’assureur à traiter équitablement la réclamation de son assuré. L’obligation d’agir équitablement s’applique aussi bien à la manière dont l’assureur fait enquête et évalue la réclamation qu’à la décision de payer ou non la demande. Pour décider s’il doit refuser de payer une demande présentée par son assuré, l’assureur doit évaluer le bien-fondé de cette demande de façon impartiale et raisonnable. Il ne doit pas refuser ou retarder le paiement afin de tirer profit de la vulnérabilité financière de l’assuré ou de se ménager une position de force dans la négociation du règlement. La décision de l’assureur de refuser le paiement devrait être fondée sur une interprétation raisonnable des obligations qui lui impose la police. Toutefois, cette obligation d’agir équitablement ne signifie pas pour autant que l’assureur doit nécessairement avoir raison lorsqu’il décide de contester son obligation d’indemniser un assuré. Le simple rejet d’une demande qui finira par être reconnue comme valable ne constitue pas en soi un acte de mauvaise foi.
[142] Advenant où le tribunal conclut à une exécution fautive de l’obligation contractuelle de l’assureur, non seulement il doit les indemnités prévues au contrat, mais il devra aussi assumer des dommages compensatoires. La faute est alors celle résultant du non-paiement de l’indemnité prévue au contrat d’assurance, soit le refus de payer les indemnités.
[143] Si des comportements de mauvaise foi ou d’abus de droit, un manquement au devoir de bonne foi, est démontré, ils pourront entraîner par exemple, le paiement de dommages punitifs dont des frais extrajudiciaires.
(…)
[389] Les auteurs Jobin et Vézina décrivent ainsi l’obligation résultant du contrat :
Selon l’article 1458 C.c.Q., le contractant doit respecter ses engagements. Il est donc responsable d’indemniser son cocontractant si ce dernier subit un préjudicie attribuable à son défaut d’exécuter, sans justification, les obligations qu’il a contractées. Il peut s’agir d’un défaut total d’exécution, ou encore d’une prestation qui ne présente pas les attributs requis – «entièrement, correctement et sans retard» (art. 1590 C.c.Q.)[95]
[390] L’auteur Baudouin décrit ainsi la nature des dommages[96] :
1-1279 Dommages compensatoires – dommages moratoires – Le préjudice subi par le créancier peut être de deux ordres. L’inexécution de l’obligation contractuelle peut, en premier lieu, lui causer une perte et le priver d’un bénéfice qu’il escomptait normalement tirer du contrat. La compensation pécuniaire adéquate doit donc comprendre une indemnisation pour la perte subie et le gain manqué. Les dommages-intérêts accordés, dans un tel cas, sont connus sous le nom de dommages compensatoires et cherchent à replacer le créancier dans la situation où il aurait été si le contrat avait été bien exécuté. On voit ici l’analogie avec la responsabilité extracontractuelle qui cherche à replacer la victime atteinte dans son intégrité physique, par exemple, dans la même situation où elle se trouvait avant l’accident.
En second lieu, même si le débiteur s’est exécuté, le créancier a pu subir un préjudice du seul fait que l’exécution ait été tardive. Il peut alors obtenir indemnisation pour le préjudice consécutif au simple retard. Ces dommages, connus sous le nom de dommages moratoires suivent des règles quelque peu différentes de celles des dommages compensatoires. Le terme «dommages compensatoire», accepté par la langue juridique, est d’ailleurs mal choisi, puisque les dommages compensatoires stricto sensu et les dommages moratoires ont tous deux pour but de compenser le préjudice subi par le créancier.
[391] L’auteur explique que le montant accordé par le tribunal doit permettre de replacer le créancier dans la situation où il se serait trouvé si le débiteur avait fidèlement exécuté l’obligation. C’est le principe dit de la réparation intégrale. Les dommages comprennent deux éléments : la perte subie et le gain manqué[97].
2021 QCCS 3964 (CanLII)