Dans cette décision du tribunal administratif du logement, le juge a donné gain de cause à la locatrice représentée par Me Hedi Belabidi avocat.

Le tribunal a analysé dans ce jugement les conditions selon lesquelles l’imposition d’une pénalité au locataire par la propriétaire du logement était légale.

Extraits du jugement :

[36] La locatrice plaide qu’elle est en droit de conserver la somme de 1 000 $ à titre de dommages liquidés. Elle soumet au soutien de ses prétentions une décision[11] du 16 juin 2014 du juge administratif Daniel Gilbert. Il y a lieu d’en reprendre la portion pertinente :

« 3ème motif : une pénalité de 3 mois constitue « une fraude » à l’endroit du locataire

[18] L’article 1901 du Code civil du Québec, applicable spécifiquement au bail d’un logement, prévoit :

« 1901. Est abusive la clause qui stipule une peine dont le montant excède la valeur du préjudice réellement subi par le locateur, ainsi que celle qui impose au locataire une obligation qui est, en tenant compte des circonstances, déraisonnable.

Cette clause est nulle ou l’obligation qui en découle, réductible. »

[19] Le Tribunal s’est questionné à savoir si, la pénalité de 3 mois, convenue entre les parties après que le bail ait été renouvelé jusqu’au 30 septembre 2012, pouvait constituer une clause abusive.

[20] Il faut distinguer cependant, la présence d’une clause de cette nature insérée dans le bail initial des parties de celle que l’on retrouve dans une entente de résiliation survenue en cours de bail. À cet égard, le Tribunal fait siennes les remarques de la juge administratif Gravel dans une décision du 27 février 2007 (1) :

« (…) Les locataires invoquent l’article 1901 C.c.Q. afin de faire déclarer déraisonnables les termes de leur accord de résiliation de bail. Cette disposition n’est cependant pas applicable en l’instance puisqu’on vise ici les clauses abusives d’un bail et non pas celles d’une entente subséquente. En vertu de cette disposition, il ne serait donc pas permis de prévoir à l’avance dans un bail une pénalité supérieure au préjudice réellement subi par le locateur. Le législateur veut ainsi éviter qu’un locateur puisse insérer des clauses pénales dans les baux.

De plus, la règle générale voulant qu’un locataire soit responsable de son loyer jusqu’à la date de relocation du logement est applicable en l’absence d’entente entre les parties. Un locataire insouciant peut en effet décider de quitter son logement sans prévoir d’entente avec son locateur. Il sera alors responsable de tout le loyer et autres dommages découlant de son départ. Par contre, comme en l’instance, un locataire soucieux de prévoir les pénalités afférentes à son départ conclura une entente. Dans ce contexte c’est donc les termes de cette entente qui constituera la loi applicable entre les parties.

La question que le tribunal doit trancher est la validité de l’entente du 28 mars 2006. La croyance populaire veut qu’il soit illégal pour un locateur de percevoir plus que le loyer prévu pour un logement pour une période donnée. Plusieurs parties tentent ainsi de faire annuler après coup une entente de résiliation de bail. Tel n’est cependant le droit applicable.

Ce qu’il faut rechercher c’est l’intention et la bonne foi des parties lors de la conclusion de l’entente. Chaque partie calcule son risque à partir de sa perception de la situation au moment de la conclusion de l’entente de résiliation de bail. Il est en effet impossible de prévoir à l’avance la date exacte de relocation d’un logement. Il peut arriver après coup qu’une partie ait fait une bonne affaire, ce qui n’est pas en soi illégal. (…) »

(Les soulignements ont été rajoutés par le soussigné)

[21] Dans le présent cas, le logement a été reloué par le locateur le 1er décembre 2011, alors que la pénalité que doit supporter le locataire vise les mois de décembre 2011 et janvier 2012. Comme mentionné dans l’extrait cité ci-avant, cela n’est pas en soi illégal ou abusif.

[22] En conséquence, le Tribunal ne peut retenir ce motif soulevé par le locataire pour déclarer l’entente de résiliation de bail du 18 août 2011 comme étant illégale ou déraisonnable. »

[37] Le Tribunal partage l’analyse effectuée, mais doit considérer un aspect différent eu égard à la jurisprudence soumise. La locataire occupe toujours le logement loué. En fait, elle ne l’a jamais vraiment quitté. Les parties ont liquidé les dommages résultant du départ de la locataire pour changer de logement.

(…)

[39] Par contre, le comportement ambivalent de la locataire amène le Tribunal à conclure que la locatrice était en droit de percevoir la somme de 1 000 $ à titre de dommages liquidés. Elle a négocié ce montant, elle a choisi de changer de logement en toute connaissance de cause et elle a fait volte-face. La locatrice n’a pu relouer l’appartement no. 416 plutôt, et elle n’a pu faire visiter l’appartement no. 415 alors que la locataire y vivait toujours. Elle a entretenu un doute sur ses intentions jusqu’à la mi-novembre 2020.

Lien de la décision complète : https://unik.caij.qc.ca/permalien/fr/qc/qctal/doc/2021/2021qctal23199/2021qctal23199