Dans ce jugement plaidé avec succès par Me Hedi Belabidi en faveur de son client, le Tribunal du Logement a analysé les conditions qui permettent au propriétaire locateur d’un logement d’habitation d’obtenir une indemnité de relocation suite au départ de son locataire pendant la durée du bail :

Extraits du jugement :

[26] Toutefois, la preuve présentée permet de conclure que la locataire a changé d’idée. Elle n’a jamais déménagé de façon permanente dans l’appartement no. 416. Elle a laissé ses effets personnels dans l’appartement no. 415.

[27] Dès lors, la locataire est responsable du paiement du loyer du mois de novembre 2020 pour l’appartement no. 416 ainsi que d’une indemnité de relocation pour la période avant que le logement ne soit reloué par la locatrice.

[28] La preuve présentée permet de conclure que la locataire a remis les clés à la locatrice de l’appartement no. 416 au cours du mois de novembre 2020. La locatrice demande une indemnité de relocation pour le mois de décembre 2020 et janvier 2021.

[29] Le logement a été reloué pour le 15 janvier 2021 selon le bail[9] produit par la locatrice.

[30] Les principes applicables à ce genre d’indemnité sont résumés de la façon suivante par le professeur Jobin[10] :

« 116. Dommages-intérêts. Le recours en dommages — intérêts vient presque toujours s’ajouter à celui en résiliation. En plus d’une indemnité pour pertes causées au bien loué ou autres dommages le cas échéant, le locateur réclame systématiquement une indemnité pour perte de loyer durant la période nécessaire pour trouver un nouveau locataire ; plus précisément, l’indemnité couvre la perte de loyer jusqu’à la délivrance du bien au nouveau locataire, car c’est à partir de l’entrée en jouissance que le nouveau loyer est calculé.

L’indemnité de relocation obéit aux règles habituelles. Ainsi, le locateur a droit uniquement à la réparation du préjudice qui constitue une suite immédiate et directe de la faute du locateur. De plus, on ne doit pas oublier que le locateur a le devoir de minimiser sa perte : dans le contexte d’une résiliation, il doit prendre les moyens raisonnables pour remplacer le locataire fautif le plus vite possible. »

[31] Ainsi, à partir du moment où un locateur apprend qu’un locataire quittera le logement ou a quitté le logement, il a l’obligation d’entreprendre, sans délai, des démarches raisonnables pour relouer le logement, dans le but de minimiser les dommages qu’il encoure en raison de ce départ.

[32] L’article 1479 du Code civil du Québec reprend d’ailleurs ce principe en ces termes :

« 1479. La personne qui est tenue de réparer un préjudice ne répond pas de l’aggravation de ce préjudice que la victime pouvait éviter. »

[33] Cette règle est expliquée comme suit par les auteurs Baudouin et Jobin[11] :

« La règle de la réduction des pertes, ou de la minimisation des dommages est bien connue en Common Law. La jurisprudence québécoise l’a également sanctionnée d’innombrables fois, tant en matière extra contractuelle qu’en matière contractuelle et elle est maintenant codifiée à l’article 1479 C.c.Q. Cette règle est fondée sur le principe selon lequel le débiteur n’est tenu qu’aux seuls dommages directs et immédiats. On peut l’exprimer simplement en disant que le créancier à le devoir, lorsqu’il constate l’inexécution de l’obligation de son débiteur, de tenter d’atténuer autant que possible le préjudice qu’il subit. Agir autrement constitue, en droit civil, un comportement fautif, parce que contraire à la conduite d’une personne normalement prudente et diligente, et mène à une réduction des dommages autrement alloués au créancier. Lorsque le créancier ne réduit pas ses pertes, il est difficile de prétendre que le dommage a été entièrement causé par le fait du débiteur, même si celui-ci en est à l’origine. Les tribunaux n’admettent donc pas que le créancier réclame la partie des dommages qu’il a subis et qu’il aurait pu raisonnablement éviter en se comportant avec prudence, diligence et bonne foi. L’obligation de réduire sa perte est donc une obligation de moyens. »

[34] Le Tribunal conclut, de la preuve présentée, que la locatrice à minimisé ses dommages et a fait des démarches pour relouer l’appartement no. 416 le plus rapidement possible, lorsqu’elle a su que la locataire ne souhaitait plus y demeurer.

Lien pour lire la décision complète : https://unik.caij.qc.ca/permalien/fr/qc/qctal/doc/2021/2021qctal22099/2021qctal22099