Dans cette décision plaidée avec succès par Me Hedi Belabidi avocat, le Tribunal administratif du logement a considéré que les nombreux manquements du locataire a ses obligations causent un préjudice sérieux au locateur, représenté par Me Hedi Belabidi, justifiant la résiliation du bail en vertu de l’article 1863 du Code civil du Québec.

Extraits du jugement :

[46] Le recours de la locatrice se fonde sur les articles 1855,1857,1863, 1866, 1912, 1913, 1933 et 1934 du Code civil du Québec, lesquels se lisent comme suit :

« 1855. Le locataire est tenu, pendant la durée du bail, de payer le loyer convenu et d’user du bien avec prudence et diligence. »

« 1857. Le locateur a le droit de vérifier l’état du bien loué, d’y effectuer des travaux et, s’il s’agit d’un immeuble, de le faire visiter à un locataire ou à un acquéreur éventuel; il est toutefois tenu d’user de son droit de façon raisonnable. »

« 1863. L’inexécution d’une obligation par l’une des parties confère à l’autre le droit de demander, outre des dommages-intérêts, l’exécution en nature, dans les cas qui le permettent. Si l’inexécution lui cause à elle-même ou, s’agissant d’un bail immobilier, aux autres occupants, un préjudice sérieux, elle peut demander la résiliation du bail.

L’inexécution confère, en outre, au locataire le droit de demander une diminution de loyer; lorsque le tribunal accorde une telle diminution de loyer, le locateur qui remédie au défaut a néanmoins le droit au rétablissement du loyer pour l’avenir. »

«1866. Le locataire qui a connaissance d’une défectuosité ou d’une détérioration substantielles du bien loué, est tenu d’en aviser le locateur dans un délai raisonnable.»

  1. Donnent lieu aux mêmes recours qu’un manquement à une obligation du bail:

1° Tout manquement du locateur ou du locataire à une obligation imposée par la loi relativement à la sécurité ou à la salubrité d’un logement;

2° Tout manquement du locateur aux exigences minimales fixées par la loi, relativement à l’entretien, à l’habitabilité, à la sécurité et à la salubrité d’un immeuble comportant un logement.

  1. Le locateur ne peut offrir en location ni délivrer un logement impropre à l’habitation.

Est impropre à l’habitation le logement dont l’état constitue une menace sérieuse pour la santé ou la sécurité des occupants ou du public, ou celui qui a été déclaré tel par le tribunal ou par l’autorité compétente.

«1933. Le locataire ne peut refuser l’accès du logement au locateur, lorsque celui-ci doit y effectuer des travaux.

Il peut, néanmoins, en refuser l’accès avant 7 heures et après 19 heures, à moins que le locateur ne doive y effectuer des travaux urgents.»

«1934. Aucune serrure ou autre mécanisme restreignant l’accès à un logement ne peut être posé ou changé sans le consentement du locateur et du locataire.

Le tribunal peut ordonner à la partie qui ne se conforme pas à cette obligation de permettre à l’autre l’accès au logement.»

[47] Pour obtenir la résiliation du bail, la locatrice doit faire la preuve qu’au moins une des obligations imposées aux locataires n’a pas été respectée et que l’inexécution lui cause un préjudice sérieux. Les locataires ont l’obligation d’entretenir leur logement, de le maintenir en bon état de propreté et d’en user avec prudence et diligence.

[48] Le Tribunal, après avoir analysé la preuve présentée, conclut que les locataires n’ont pas rempli leurs obligations d’entretenir leur logement pour le maintenir en bon état de propreté et qu’ils n’en ont pas usé avec prudence et diligence. De plus, en refusant l’accès au logement à la locatrice et aux personnes mandatées par cette dernière, ils n’ont pas respecté leurs obligations et causé un préjudice sérieux à la locatrice.

[49] Il appert de la preuve que le logement des locataires est encombré depuis 2017. Le rapport de l’arrondissement de ville Saint-Laurent démontre clairement qu’il y a un problème d’encombrement dans le logement et que les locataires ne démontrent pas beaucoup d’empressement pour corriger la situation.

[50] L’ensemble des personnes qui ont eu accès au logement dernièrement, incluant les témoins des locataires, confirment l’encombrement.

[51] La juge administrative Francine Jodoin dans la décision Nola c. Borduas[5] résume bien l’obligation d’un locataire concernant la propreté d’un logement :

« L’encombrement résulte d’une accumulation excessive, amoncellement, amas et entassement d’objets dans une pièce. Cette situation peut donner ouverture à la résiliation du bail dans la mesure où cela est lié à un manquement aux obligations découlant du bail et que le locateur en subit un préjudice sérieux (article 1863 C.c.Q.).

L’article 1855 du Code civil du Québec impose, en effet, l’obligation au locataire d’user du logement en personne prudente et diligente.

Cette obligation oblige le locataire à ne pas agir de façon à détériorer le bien loué, mais aussi à ne pas créer une situation qui puisse mettre en péril l’intégrité du logement ou de l’immeuble. Bien qu’il s’agisse d’une obligation de moyen, le locataire doit, de façon générale, agir raisonnablement dans le but d’assurer la conservation du logement et veiller ainsi aux intérêts du locateur.

Comme l’expriment les auteurs, Lamontagne et Larochelle(2) :

« La prudence est cette «attitude qui consiste à peser à l’avance tous ses actes, à apercevoir les dangers qu’ils comportent et à agir de manière à éviter tout danger, toute erreur, tout risque inutile», alors que la diligence fait référence à la promptitude et à l’empressement dans l’exécution. Le locateur est en droit de se fier à son locataire quant au respect de son devoir de garder le bien loué avec prudence et diligence. »

Sur l’obligation de prévention, ils poursuivent :

« [573] Obligation de prévention. – Alors que certaines menues réparations d’entretien peuvent être exécutées à la fin du bail, notamment celles requises par l’obligation de remise du bien à la fin du bail dans l’état où il était à son début, d’autres réparations doivent être effectuées en cours de bail pour assurer la conservation du bien ou éviter sa détérioration. C’est le cas, par exemple, du remplacement des vitres brisées qui, s’il n’est pas fait avec diligence, peut amener une détérioration de l’immeuble. Non seulement l’obligation de prudence et diligence impose-t-elle au locataire de faire certains travaux, mais aussi d’adopter un comportement préventif de façon générale. Par exemple, chauffer convenablement les lieux pour éviter le gel des tuyaux, s’assurer d’une certaine surveillance du bien pendant une absence prolongée, faire un usage normal du bien, voir à respecter le programme d’entretien du fabricant sont autant de cas où l’obligation de prudence et de diligence du locataire est applicable. Permettre l’usage du bien à des personnes irresponsables, manquer de surveillance à l’égard des enfants sous sa garde peuvent constituer des manquements à cette obligation. »

[Références omises]

[52] Le Tribunal retient de la preuve que la présence de nombreuses boîtes dans le logement favorise le risque d’incendie et mets en danger les locataires de l’immeuble.

[53] Les locataires n’ont également pas respecté leurs obligations en ne permettant pas l’accès à leur logement lorsque cela était requis par la locatrice. De l’admission même du représentant de la locataire, cette dernière refuse l’accès à l’exterminateur mandaté par la locatrice et n’a jamais fait venir un exterminateur malgré l’entente convenue par le locataire.

[54] La locatrice a des obligations envers les autres locataires de l’immeuble relativement à l’extermination des blattes de l’immeuble et la non-collaboration des locataires l’empêche d’effectuer un traitement efficace. Le témoignage de l’exterminateur est catégorique au sujet de l’importance d’obtenir une bonne collaboration des locataires d’un immeuble pour éradiquer une infestation de blattes, sinon elles peuvent se réfugier dans le logement non traité.

[55] De plus, les locataires ne peuvent empêcher la locatrice d’avoir accès pour faire une inspection ou des travaux. L’épisode de l’infiltration d’eau du logement sous celui des locataires est particulièrement parlant. Les locataires ont refusé pendant presque un an l’accès à leur logement pour que la locatrice effectue une vérification.

[56] La locatrice n’avait pas à se fier aveuglément à la parole de la locataire qu’elle n’était pas responsable de l’infiltration et avait le droit d’effectuer les réparations nécessaires.

[57] Les dispositions du Code civil du Québec sur le droit à l’accès au logement pour la locatrice et le droit d’obtenir une clé permettant l’accès au logement sont claires et connues par les locataires, mais ceux-ci refusent de s’y conformer sans raison valable.

[58] Tous ces manquements des locataires à leurs obligations légales causent un préjudice sérieux à la locatrice justifiant la résiliation du bail en vertu de l’article 1863 du Code civil du Québec.

[59] Le Tribunal estime que la substitution de la résiliation du bail par des ordonnances selon l’article 1973 C.c.Q n’est pas appropriée dans les circonstances, car le Tribunal n’a pas de raison de croire que les ordonnances seraient respectées par les locataires qui n’ont pas fait les efforts nécessaires pour désencombrer le logement depuis 2017 et qui sont réfractaires à donner accès au logement à la locatrice.

Lien pour lire le jugement complet : https://unik.caij.qc.ca/permalien/fr/qc/qctal/doc/2021/2021qctal18147/2021qctal18147