Dans l’arrêt Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs, la Cour suprême a analysé en détail les règles relatives à l’arbitrage ainsi que historique de la reconnaissance des clauses contractuelles d’arbitrage en droit québécois.

Extraits de cette décision :

131 Il existe deux types de clauses contractuelles d’arbitrage. La clause compromissoire parfaite, ou « clause d’arbitrage exclusif », est celle par laquelle les parties s’engagent à l’avance à soumettre à l’arbitrage les litiges qui pourraient naître relativement à leur contrat et qui précise que la sentence sera finale et liera les parties. Elle se distingue d’une clause d’arbitrage purement facultative (voir Zodiak International Productions Inc. c. Polish People’s Republic, 1983 CanLII 24 (CSC), [1983] 1 R.C.S. 529, p. 533).

132 La clause d’arbitrage exclusif a pour effet de créer une « juridiction privée » qui suppose, pour les tribunaux désignés par l’État tels les tribunaux de droit commun et les tribunaux administratifs, la perte de leur compétence pour régler les différends, ce qui rend l’arbitrage conventionnel à la fois distinct et indépendant de ces dernières entités (voir J. E. C. Brierley, « De la convention d’arbitrage : Articles 2638‑2643 », dans La réforme du Code civil (1993), t. 2, 1067, p. 1067‑1073 et 1085‑1087). L’arbitrage conventionnel a également été décrit comme établissant un « système de justice privée » au bénéfice des parties : « [d]’un point de vue théorique, l’arbitrage est une justice privée dont l’origine est normalement conventionnelle. Il est donc conventionnel par sa source et juridictionnel par sa fonction » (voir S. Thuilleaux dans L’arbitrage commercial au Québec : Droit interne — Droit international privé (1991), p. 5 (renvois omis)).

133 C’est le degré de liberté avec lequel les parties peuvent choisir la manière de résoudre leur différend qui permet de qualifier l’arbitrage conventionnel de « juridiction privée » ou de « système de justice privée » :

[TRADUCTION] L’arbitrage s’entend donc du règlement des différends entre des parties qui conviennent de ne pas s’adresser aux tribunaux, mais de reconnaître le caractère définitif de la décision prononcée par des experts de leur choix, à l’endroit de leur choix et, normalement, suivant des lois dont elles ont convenu à l’avance et suivant des règles bien moins formelles et détaillées, et bien moins strictes sur le plan de la preuve et de la procédure, que celles ayant cours devant les tribunaux.

(W. Tetley, International Conflict of Laws : Common, Civil and Maritime (1994), p. 390)

Les parties à l’arbitrage conventionnel sont libres de choisir le droit applicable à leur convention d’arbitrage, le droit applicable aux procédures d’arbitrage, le droit applicable à l’objet du litige, ainsi que les règles de conflit applicables à tout ce qui précède. En outre, il n’est pas nécessaire que le droit ainsi choisi soit le même dans les quatre cas; il peut différer du droit applicable au lieu de l’arbitrage. On pourrait donc dire que la procédure d’arbitrage conventionnelle est délocalisée du ressort où se déroule l’arbitrage (voir Tetley, p. 391‑392).

134 L’une des principales différences entre la fonction judiciaire et la fonction arbitrale est que les arbitres consensuels ne sont pas des représentants de l’État mais sont désignés par des parties privées. Pour cette raison, que l’arbitrage ait lieu au Québec ou ailleurs, la sentence sera légalement exécutoire si, comme le prévoient les lois québécoises, elle est d’abord homologuée par les tribunaux du Québec. À cet égard, rien ne la distingue des jugements étrangers qui doivent d’abord être homologués pour avoir force de loi dans la province. C’est ce que fait remarquer R. Tremblay dans « La nature du différend et la fonction de l’arbitre consensuel » (1988), 91 R. du N. 246, p. 252 :

Il faudrait cependant se garder de confondre la fonction judiciaire et la fonction arbitrale. Le juge tire sa compétence des institutions qui sont à la base d’un État. L’arbitre, pour sa part, tire sa compétence de la convention des parties. La différence est majeure. L’arbitre est choisi et nommé par les parties et n’est pas le représentant de l’État. Il va trancher un litige mais sa décision, pour être exécutoire, devra être homologuée; elle n’est pas exécutoire par elle‑même comme peut l’être un jugement.

135 Les clauses d’arbitrage exclusif et d’élection du for fonctionnent de manière très semblable. Elles ont toutes deux pour effet de déroger au principe de compétence des tribunaux de droit commun qui, autrement, connaîtraient de l’affaire. De nombreux auteurs traitant des conflits de lois désignent simplement ces clauses, sans les distinguer, par l’expression « clauses de juridiction » : voir par exemple J. G. Collier, Conflict of Laws (3e éd. 2001), p. 96. Dans les provinces de common law, les tribunaux surseoiront à l’exercice de leur compétence s’ils sont en présence d’une clause valide d’élection du for ou d’une clause valide d’arbitrage. Ils tiennent ce pouvoir de leur compétence inhérente; or, certaines lois prévoient des facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il y a lieu de suspendre l’instance selon que le tribunal est en présence d’une clause d’élection du for ou d’une clause d’arbitrage national ou international. On a aussi tendance, au Québec, à traiter de la même façon les clauses d’arbitrage exclusif et d’élection du for, dont nous faisons maintenant l’historique.

Lien vers la décision complète : https://www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2007/2007csc34/2007csc34.pdf

En tant qu’Arbitre, Me Hedi Belabidi est inscrit sur la liste des Arbitres du barreau du Québec qui sont intéressés à agir comme arbitre dans des différends de nature civile ou commerciale : https://www.barreaudemontreal.qc.ca/avocats/outils/arbitres/